La viande

Composition et valeur nutritive

Plusieurs études l'attestent; la viande de loup-marin révèle une haute teneur en éléments nutritifs. Elle possède moins de gras, plus de protéine, de fer et de vitamine que le bœuf.
La composition de la viande de phoque est bien connue (voir tableau I).

La viande de loup-marin ordinaire contient moins de 2 % de gras, celle de bœuf, plus de 24 %.

La teneur en cholestérol et le rapport des acides gras saturés et insaturés sont relativement peu élevés comparativement aux autres viandes, ce qui est considéré comme bénéfique d'un point de vue nutritionnel.

Le muscle contient 15,2 % d'acides gras Omega-3 et 7,5 % d'acides gras Omega-6. Ces types d'acides gras sont très recherchés puisqu'ils représentent un élément favorable dans la lutte contre les maladies cardiovasculaires.

La teneur en protéines brutes est d’environ 24 %, ce qui correspond à une excellente source de protéines pour la diète humaine. La viande de loup-marin offre également plus d'acides aminés essentiels que le bœuf et le porc.

La valeur d'hémoprotéine totale est d’environ 8 %. Ces valeurs d'hémoprotéines représentent environ 20 fois les quantités retrouvées chez le bœuf. La grande concentration d'hémoprotéines est responsable de la teinte foncée du muscle de loup-marin et représente une excellente source de fer pour la diète.

On dénote que le taux d'humidité et la teneur en protéines varient avec l'âge de l'animal. Ces variations sont minimes puisqu'on rapporte un taux d'humidité de 75 % chez le jeune loup-marin (3 à 8 semaines), et de 72 % chez le loup-marin de 12 mois et plus. À l'inverse, les jeunes loups-marins avaient un taux moyen de protéines de 21 % contre 25 % pour les plus âgés.

Selon Botta et Al. (1982), la période de mue occasionne des variations au niveau des caractéristiques de la viande. La viande de loup-marin en période de mue offre un taux d'humidité supérieur. L'animal en période de mue ayant un taux d'humidité de 73,7 % pour 73,0 % d'humidité pour la période précédent la mue. La viande de loup-marin en période de mue offre un taux de sucres inférieur (0,66 %) aux valeurs obtenues à partir de viande de loup-marin prélevée avant la mue (1,07 %). Cette étude indique également une variation du taux de cendres, de sucres, de gras, d'humidité et de protéines pour l'ensemble des animaux testés.

Acides gras oméga-3 : Essentiel à la santé humaine (Étude commandé par le ministère de l'Agriculture et Agroalimentaire Canada)

Le Saint-Laurent et la santé humaine : L'État de la Question II

Sans viande pas d'humanité  (texte publié dans « Le Devoir »)

La consommation de loup-marin du Saint-Laurent : pratiques et enjeux pour la santé (Environnement Canada)

Viande : mini foire aux questions

  • La consommation de viande de phoque représente-t-elle des risques pour la santé?
    Comme plusieurs mammifères marins, les phoques occupent un échelon supérieur dans la chaîne alimentaire. Ainsi, les concentrations de plusieurs contaminants persistants (ex. : BPC ou DDT) dans les tissus graisseux et le foie de ces animaux sont susceptibles d’être relativement élevées. L’analyse des données d’exposition à certains métaux lourds et aux organochlorés, recueillies auprès d’un certain nombre de chasseurs de phoque, indique une relation entre la consommation d’abats et de chair et les concentrations d’organochlorés. Comparées aux données de BPC obtenues chez d’autres populations, les concentrations mesurées chez les chasseurs de phoque s’avèrent supérieures à celles des grands consommateurs de  poisson pêché lors de la pêche blanche au Saguenay ainsi qu’à celles des populations des Grands Lacs, mais inférieures à celles des grands consommateurs de poisson de la région de Montréal. Aucun des chasseurs de phoque rencontrés ne présentait des teneurs en BPC et en mercure supérieures aux valeurs recommandées par les organismes de santé.
  • Quels sont les bénéfices de la consommation de la viande de phoque?
    Il est reconnu que la consommation des produits de la mer entraîne un apport en acides gras de type oméga-322. Les teneurs en acides gras observées chez les chasseurs de phoque, qui sont également de grands consommateurs de poisson, de mollusques et de crustacés, sont au moins trois fois plus élevées (6 %) que celles mesurées chez l’ensemble des Québécois (2 %). Ces teneurs se rapprochent d’ailleurs de celles observées chez les Inuits (8 %). Les préférences alimentaires pour certaines espèces de poisson riche en acides gras pourraient, entre autres, expliquer les niveaux observés.
  • Généralement quelle est en moyenne la consommation de viande de phoque chez les chasseurs par rapport au reste de la population?
    Une étude réalisée auprès des chasseurs des Iles-de-la-Madeleine et de la Côte-Nord a permis de rejoindre près de 50 % d’entre eux. Ceux-ci consommeraient près de 10 grammes de phoque par jour, dont une certaine quantité d’abats. De par leur situation géographique, les chasseurs de phoque ont également accès aux autres ressources marines telles que le poisson, les mollusques et les crustacés. Cette proximité naturelle se traduit par une consommation générale de produits de la mer environ sept fois plus élevée que celle de la population québécoise
  • Quelle est la valeur nutritive du foie de phoque du Groenland?
    Un repas de 4 onces (113 grammes) de foie de phoque fournit plus de 100 % des apports quotidiens recommandés au Canada en vitamine A et D, en fer, en zinc et en sélénium, près de 90 % de l’apport recommandé en magnésium et 40 % de celui en protéines. Une telle portion fournit également un peu plus de 60 % de l’apport recommandé en acides gras, soit l’acide eicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA).

 

Références :
Allan Bock, OUT OF NECESSITY, GNP Craft Producers, p. 73.
R.L. Olsen, L.Jenssen, E.O. Elvevoll, UTILIZATION OF SEAL OIL, Document présenté à la cinquième conférence sur la gestion et l'utilisation rationnelle des mammifères marins, avril 1992.
Agriculture Canada,RECHERCHE SUR LES CARACTÉRISTIQUES CONNUES DE LA VIANDE DE PHOQUE, Document 1992.
Laurence Madoui, ÉCOLOGIQUE, LA FAUSSE FOURRURE?, Science et Vie, février 1993, p. 110-113 

Viande de phoque : repas traditionnel et nouvelle cuisine raffinée

Dans les années 70, des chercheurs se sont intéressés à un étrange phénomène : pourquoi les Inuits du nord n’avaient-ils pas de problème cardiaque, peu de cécité et autres problèmes de la vue. Ils semblaient également beaucoup moins sensibles à de nombreux autres problèmes de santé presque endémique plus au sud? 
Alors que le climat tempéré du sud favorise une alimentation plus variée, les habitants du nord se voyaient pourtant en déficit de fruits, de légumes et des nutriments qui y sont reliés. L’un des éléments clé de ce miracle : leur diète riche en viande et graisse de phoque. L’huile et la graisse ayant leur propre section, dans celle-ci, nous ne traiterons que de l’aspect viande. 

Changement de diète

Avec la modernité des transports et des communications, les régions éloignées ont soudainement eu accès aux grands centres et à leurs éventails de denrées alimentaires. 
Malheureusement pour la plupart des communautés autochtones, le loup-marin fut remplacé par les viandes et autres produits industriels. Résultat, d’une génération à l’autre, la santé des Premières Nations a décliné et, aujourd’hui, ils font face aux mêmes problèmes de santé que la population en général.

Recettes traditionnelles

Chaque culture ayant un rapport intime avec l’animal a développé ses propres recettes. Dans l’ouest du Canada, les Haïda Gwaii mangeaient le phoque comme un autre gibier et le cuisaient conséquemment. De leur côté, les Inuits mangeaient souvent la viande crue. Le surnom esquimau (qu’ils n’aiment pas trop d’ailleurs) voudrait justement dire « mangeur de viande crue » en langue algonquienne. Pour leur part, les Terre-Neuviens l’apprêtaient (et l’apprête toujours d’ailleurs) en bouilli ou en flipper pie.
Aux Îles, les vieux l’aimaient bien en ragoût ou au four avec des légumes et des poutines (des pâtes levées) sur le dessus. Habitué à son goût dès leur jeune âge, la plupart d’entre eux préféraient qu’on leur laisse un peu de gras, histoire d’en relever le goût.

Nouvelle cuisine

À une époque où l’on cherchait davantage à s’alimenter qu’à vivre une expérience gastronomique, on s’étonne peu de la rusticité des recettes. Sous cet aspect, les choses ont bien évoluées. Plusieurs chefs innovateurs ont découvert l’incroyable potentiel de la viande de phoque et on commencé à l’insérer dans leurs recettes. On trouve aujourd’hui des terrines, des saucisses, des tournedos, des recettes de pavé de phoque à la moutarde et crème de pomme, ainsi que nombre d’autres plats spectaculairement délicieux. On peut même fumer cette viande… un délice!

Il s’agit encore d’un produit exceptionnel et assez difficile à se procurer. L’un des seuls endroits habilité à transformer cette viande se trouve aux Îles de la Madeleine. Il s’agit de la boucherie 

Aux Îles, on trouve le phoque au menu de plusieurs restaurants :

Ailleurs au Québec, vous pourrez sans doute vous procurer de la viande dans certaines boucheries et épiceries spécialisées tels :

et déguster des plats haut en couleur dans certains restaurants d’avant-garde tels :

Plusieurs autres, tels le Pied de cochon ou le restaurant du Parlement à Ottawa, en servent à l’occasion ou en ont servi par le passé.

De grands chefs en parlent également. Parmi les livres contenant des recettes à base de phoque, on retrouve celui du grand chef français Jean-Paul Grappe, Gibier à poil et à plume (2008, Éditions de l’Homme). Le Livre gourmand des Îles de la Madeleine (2010, Éditions la Morue verte) affiche d’ailleurs en page couverture un superbe filet de loup-marin séché et saupoudré d’un bouquet d’épices.

Marchés extérieurs

En 1995, nous avons effectué une mission commerciale en France avec le chef cuisinier Louis Diament. Aidé par le chef du restaurant Les Glycines, nous avions rencontré de nombreux chefs cuisiniers en Normandie (dans les environs de Caen). Tous ont été renversés par les qualités exceptionnelles de cette viande. Évidemment, à cause de l’embargo, ces chefs n’arrivent pas à se procurer ce produit. Tant pis pour leurs clients. Cette même année, nous nous étions rendus à Shanghaï où encore une fois, les Chinois ont été ravis par le goût du phoque. (voir encadré Shanghaï, 1995)

Les gens qui aiment la viande sauvage et/ou l’expérimentation culinaire adorent le goût du phoque. Le problème se situe généralement au niveau de l’approvisionnement. En 2009, par exemple, à cause des conditions de glaces défavorables, la boucherie a dû affréter un navire à ses frais afin d’aller récolter environ 2 000 phoques sur la Côte-Nord. Du coup, de l’aveu du propriétaire de la boucherie, Réjean Vigneau, il n’ose pas trop en faire la publicité puisqu’il possède à peine assez de viande pour approvisionner ses clients actuels. 

Shanghaï, 1995 À cette époque, la Chine s’éloignait tranquillement de son passé communiste. On y construisait le périphérique autour de la ville et des enchevêtrements de longues tiges de bambous entouraient des méga buildings arborant déjà le nom de leur commanditaire : McDonald, Coca-Cola, PFK, … Nous étions une demi douzaine à tâter le terrain concernant les produits du phoque, certains pour l’huile et la fourrure, d’autres pour la viande.
Dès la première journée, nos hôtes nous ont amené dans un édifice de restauration où l’on servait plusieurs dizaine de milliers de repas par jour. 

Nous voulions faire goûter nos produits à des clients pris au hasard et, pour cela, il fallait se faire voir et révéler notre produit. En affichant notre pancarte sur lequel on voyait un jeune phoque, on s’attendait un peu à entendre les mêmes commentaires qu’en Occident : « Oh, pauvre petite bête, elle est si jolie, comment pourrais-je en manger? » Mais les Asiatiques ont une autre vision de la nourriture et on entendait plutôt : « C’est tellement joli que ça doit être succulent! » Vive les Asiatiques!

Et, en effet, ils se sont délectés. Nous aurions possiblement pu vendre la totalité d’une saison de chasse sur place en quelques heures, mais notre contrat d’importation stipulait bien que cette viande était simplement pour une activité de dégustation gratuite.

Ce voyage nous a appris au moins 2 choses :

1) Les Asiatiques et les Occidentaux possèdent une différente idée du marketing alimentaire.

Nous y avions apporté des cubes de viandes, des tournedos, des gigots, enfin toutes les plus belles pièces de viande que nous avions pu apporter. Nos correspondants chinois nous ont affirmé que la meilleure façon de présenter les produits serait de laisser poils et griffes sur les pattes et de les présenter tel quel, emballé sous vide dans un plastique transparent. 
La raison : ainsi exposé, le produit évoquera l’ours, perçu comme un produit présentant d’intéressantes vertus alimentaires selon les traditions chinoises.
La leçon à en tirer : bien connaître un marché avant de s’y aventurer.

2) Jamais nous ne pourrions fournir le marché asiatique au complet

Ce marché dispose d’une clientèle tellement large qu’il suffit de trouver un ou deux acheteurs et nous pourrions sans problème écouler toute la viande récoltée à chaque saison. 
Il faut donc approcher ce marché avec précaution, en évitant de leur faisant miroiter de grandes quantités ou un approvisionnement garanti puisque les conditions météorologiques jouent un rôle prépondérant dans les récoltes annuelles.
Nous sommes sans doute gagnant à fournir un produit au compte-goutte, mais de la plus haute qualité.

Freins au développement à grande échelle Il semble logique qu’une ressource d’aussi grande qualité, en quantité plus qu’abondante et avec des marchés potentiels aussi importants se retrouve aisément sur nos tablettes, mais la réalité est toute autre. Quels sont donc les principaux freins au développement de cette viande?

1) Double statut

L’un des principaux freins au développement du produit et son double statut. Au fédéral, le phoque est considéré comme un poisson puisqu’il vit dans l’eau. Au provincial, on le considère comme une viande, puisqu’il s’agit d’un mammifère. 
Il semble pourtant simple de lui donner le même statut qu’un autre gibier puisqu’on le chasse et que l’on ne contrôle pas son alimentation. En se retrouvant avec un produit au double statut, les règles changent si on le consomme localement, qu’on lui fait passer les frontières provinciales ou internationales. Du coup, autant les chasseurs que les transformateurs ne savent plus sur quel pied danser lorsqu’il traite l’animal.
Depuis toutes ces années, le débat perdure et plombe le développement de ce sous-produit. Solution : Que les deux paliers de gouvernement s’assoient avec les transformateurs et règlent ce problème une fois pour toute.

2) Approvisionnement

En plus d’être un gibier sauvage, le phoque se trouve dans un environnement des plus imprévisibles, surtout en hiver. En mars, le Golfe du Saint-Laurent peut être calme et libre comme il peut être complètement immobilisé par les glaces et impraticables à cause du vent et du blizzard. Et comme le climat dicte le comportement des phoques, certaines années, ils viendront  presque frapper aux portes de nos maisons alors que d’autres, ils dépasseront à peine Terre-Neuve. Tous ces éléments compliquent drôlement l’approvisionnement. De plus, tous les bateaux ne sont pas équipés comme des abattoirs certifiés. Il faut donc s’assurer que la viande soit traitée avec tous les égards lui permettant de conserver sa qualité d’origine. L’élément facilitant : le froid. La réfrigération est omniprésente à cette saison.

Solution : Les méthodes de chasse pourraient être modifiées, mais les chasseurs préfèrent les techniques actuelles qui garantissent une mort rapide et impliquant un minimum de souffrance pour l’animal. Pour cette raison, la viande de phoque demeurera sans doute un produit haut de gamme et de luxe, car sa récolte requiert beaucoup d’investissement.

Dans un monde idéal

Avec le spectre de la famine menaçant une grande partie de la population mondiale, l’idéal serait sûrement que les Gouvernements se donnent la main afin que ces centaines de milliers de tonnes de viande soient distribués aux plus pauvres. Son apport en protéine et en fer pourrait sauver des milliers de vies chaque jour. Au lieu de prioriser leurs levées de fonds et leur moratoire européens des produits du phoque, si les animalistes concentraient leurs ressources vers cet objectif autrement plus louable, l’Humanité s’en porterait mieux. 
Malheureusement, ce n’est pas demain la veille…